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Librairie N.

Inculte-Dernière Marge

7,90
Conseillé par (Libraire)
13 mai 2021

" Et alors, elle est réelle? "

Existe-t-il une différence de nature entre la vérité et le réel ? Y a-t-il une place pour un faux véridique, plus vrai que vrai, en particulier dans la fiction ? Cela importe t-il vraiment au lecteur que nous sommes ?

À l'instar d'une carte, représentation faussée d'une sphère sur une surface plane, le narrateur de ce poignant roman va tenter de résoudre ce hiatus en menant l'enquête autour de Rosamond, ville éthérée puisque de papier.

Sa création au début du XX eme siècle est l'œuvre du cartographe Desmond Crothers, contraction de son prénom et de Rosamelia, sa fiancée, symbole de leur union. Nous voilà alors lancés sur les traces d'un lieu n'ayant aucune existence légale certes, mais regorgeant de présences humaines. D'un concours tragique de Miss au projet fou de Walt Disney, des photos de Stephen King sur place à la présence supposée de Jimi Hendrix et d'une communauté hippie, cette collection d'indices donne vie au tableau d'une (presque) ville, un tiers lieu existant sur un autre plan que la géographie physique.

Émouvant et tendre hommage aux vertus et à la puissance de la fiction pour ancrer dans notre imaginaire et notre mémoire un lieu au-delà du réel. Rosamond n'est pas près de sombrer dans l'oubli auprès des lecteurs de ce roman, réalisant ainsi le souhait de son narrateur. Avez-vous vous aussi été en présence de lieux imaginaires qui semblent plus vrai que certains endroits physiques ?

Martin

" Des gens qu'il faudrait ne pas oublier, il y en a tellement, des centaines de milliers, des millions. Mais que veux-tu, c'est plus fort que moi. Je ne leur redonne pas vie, c'est sûr, mais je serais déjà incroyablement fier si je faisais en sorte qu'ils continuent d'exister dans l'esprit d'une poignée de lecteurs fascinés par cette histoire. Ce serait même, je crois, ma plus grande fierté. "

Conseillé par (Libraire)
13 mai 2021

Une certaine idée de la France

UNE CERTAINE IDÉE DE LA FRANCE]

" Il y a les livres qui existent et les livres qui n'existent pas ; mais entre les deux, il y a encore la place pour certains livres d'un genre intermédiaire, qu'on serait bien en peine de classer dans l'une ou l'autre de ces deux catégories. Des livres qui existent à peine, des livres qui flottent dans les limbes de la thermosphère littéraire et qui se soustraient sans cesse à nos efforts pour les saisir. Des livres ontologiquement indécidables et qui subsistent pourtant à leur façon, comme une promesse, comme un rêve, comme un espoir. "

Promesse tenue pour ce premier roman exaltant et diablement malin, qui nous arrive précédé d'une campagne virale d'affichage sauvage à travers toute la France.

De quoi s'agit-il alors ? D'un roman en onze chapitres, onze documents qui ont pour objectif apparent de répondre à cette question :
De quoi Francis Rissin est-il le nom ?

Un jour, la France se réveille pavoisée d'affiches électorales au nom de Francis Rssin, et bientôt une frénésie emportant tout sur son passage va porter ce mystérieux personnage au sommet.

Le lecteur va alors devoir naviguer entre les genres (étude littéraire, roman noir, hagiographie, fantastique, comique ), tentant de restreindre la nature de l'objet Francis Rissin à travers ces esquisses toujours renouvelées. Est-ce un homme, une idée, un mythe, un sauveur providentiel, voire un dieu ?

Il serait dommage d'en dire plus, et plus encore de passer à côté de ce roman vibrionnant à l'ambition littéraire démesurée et au discours politique assumé, un des plus grands textes de cette rentrée littéraire (mais il serait paru en avril qu'il en irait de même selon moi).
Francis Rissin c'est vous, c'est moi, c'est Chirac en mieux, c'est la France dans tout ce qu'elle peut produire de beau, de fantasque et d'abject.

Martin

" Est-ce que c'était toujours aussi facile, de faire la révolution ? "

Conseillé par (Libraire)
22 janvier 2021

Le silence et l'exil

Buenos Aires, années 30. Vicente Rosenberg a quitté sa Pologne natale et sa famille pour laisser derrière lui les démons du Vieux Continent. Au café Tortoni où il retrouve ses amis pour lire les dernières nouvelles en provenance d'Europe, un doute commence à l'assaillir sur la sécurité de sa famille. Santiago Amigorena nous donne à voir la culpabilité de cet homme, son grand-père, qu'un océan et un conflit mondial séparent de sa famille. Emmuré vivant dans un silence qui va s'épaississant, il est emprisonné par ce ghetto intérieur que sont les remords de l'expatrié, cette malédiction du survivant. L'auteur creuse avec pudeur les plaies qui tenaillent les rescapés de l'Histoire et nous plonge dans l'enfer de la faute vécue comme irréparable. Il nous livre un texte magnifique de retenue, de justesse, et qui m'a profondément touché.

Martin

" C'est sans doute une des caractéristiques les plus singulières de l'être humain : de même que le corps lorsqu'on lui inflige trop de souffrance ou lorsqu'il est trop affaibli s'éteint momentanément par l'évanouissement pour pouvoir, comme une simple machine, se rallumer et repartir, l'esprit aussi, lorsque la douleur et l'impuissance sont trop fortes, s'assombrit, s'assourdit, se referme pour survivre, - quelque chose qui est encore humain et qui ne l'est déjà plus, quelque chose qui est encore nous-mêmes et qui n'est déjà plus personne. "

Conseillé par (Libraire)
15 janvier 2021

Comme le temps passe

Comme le temps passe
Une jeune fille de 13 ans disparaît pendant les vacances de Noël dans un petit village du cœur de l'Angleterre. La police ouvre une enquête et lance des recherches auxquelles les habitants participent. Et puis... Et puis le temps passe et fait son œuvre et c'est lorsque rien d'extraordinaire ne se passe que les choses intéressantes commencent.

Roman très surprenant que ce Réservoir 13, sans intrigue ni personnage principal, à la croisée de la micro-histoire et de la sociologie. Plongé dans les treize années (et autant de chapitres) qui suivent la disparition de cette jeune fille, le lecteur suit la vie de ce petit village au treize réservoirs le protégeant des inondations, vivant au rythme des saisons, se languissant tranquillement loin des tumultes de la ville.

Si la disparue est un des fils rouges du livre, celui-ci ne cède pas à la facilité et se concentre sur les petits riens de l'existence qui mis bout à bout révèlent une cohérence passionnante.

La chaudière de l'école est encore tombée en panne, le match annuel de cricket contre les rivaux de Cardwell a comme de juste était perdu, les chauve-souris entrent en hibernation, Martin et Ruth voient leur boucherie saisie et divorcent, les enfants deviennent grands et partent à l'université, les anciens meurent sans faire de bruit.

C'est la vie, dans toute sa simplicité apparente, que l'auteur nous expose avec brio et une apparente neutralité dans le choix des événements narrés. Une leçon magistrale de fiction que ce roman contemplatif, naturaliste qui envoûte le lecteur de bout en bout et que je recommande chaudement.

Martin

"Elle s'appelait Rebecca, ou Becky, ou Bex. Elle portait un haut blanc à capuche avec un gilet matelassé bleu marine. Elle aurait vingt-trois ans, maintenant. On l'avait vue à la gare de chemin de fer. On l'avait vue sur le côté de la route. On l'avait cherchée partout. Elle avait pu prévoir de rejoindre quelqu'un et avoir été emmené par un automobiliste en toute sécurité. Elle avait pu tomber dans un trou. Elle avait pu être blessée par ses parents à l'occasion d'une erreur terrible. Elle avait pu partir parce qu'elle l'avait choisi ou parce qu'elle n'avait pas le choix. Les gens voulaient encore savoir. "

Conseillé par (Libraire)
6 décembre 2020

Les fous furieux du livre

Une plongée baroque et échevelée sous forme d'abécédaire dans l'univers des bouquinistes new-yorkais. Une galerie de portraits et d'anecdotes où la folie furieuse côtoie un amour immodéré du livre papier et des multiples manières de le vendre.

Martin

" Le brouillard s’élève au-dessus des pelouses d’une pittoresque petite ville provinciale du Connecticut. L’aube mène les habitants sur la grand-place, où ils prennent leur café latte du matin avant d’attraper le train de banlieue.
Mais que voilà ? Au centre du hameau est apparu un camp, une armée d’envahisseurs, un genre de manifestation – tout y est, même les caisses vides qui pourraient servir de piédestal. Un rassemblement de barbus, de gens étranges, de… Ah, il ne faudrait pas prononcer certains mots à haute voix.
Les joggers s’arrêtent en pleine course, frappés d’horreur face à cette transgression ouverte de la règle capitale : normalement c’est eux qui descendent en ville, pas l’inverse.
Comme pour confirmer leur peur, un appel résonne : « Eisenberg ? Rosenberg ? Rosenzweig ? Schwartz ? »« Schulman ? Levi ? Krensky ? Cometbus ? »
Oui, tous les habitués sont là, toute la clique des bouquinistes de New York. Une bande de fous, avec à sa tête le plus enragé du lot : Adam, roi des bouquinistes acariâtres. C’est lui qui se fait virer le plus souvent, qui a généralement la moitié de son petit-déjeuner sur sa chemise et la braguette ouverte.
C’est le patriarche de la famille, le général de cette armée hétéroclite. Il entre en premier – pas seulement à cette bourse aux livres, mais à toutes celles dont il n’a pas encore été banni. Ce n’est pas uniquement dû a son ancienneté, quoi qu’il fût proche de la barre des soixante-cinq ans, mais aussi au fait qu’il arrive en ville avec une semaine d’avance pour réserver sa place.
Avec son fidèle acolyte, Byron – connu, sans rancune, sous le nom de Numéro Deux – Adam refait chaque jour le trajet d’une heure depuis Sheepshead Bay pour être sûr que son cageot, au tout début de la file, n’a pas été retiré par des concurrents, gardiens ou aristocrates locaux qui craignent cette invasion annuelle de leur domaine, et préfèrent que leur bourse aux livres reste un événement calme et distingué.
Ironiquement, Adam et les autres bouquinistes sont une race noble, avec un code d’éthique en tout point aussi strict que celui des PTA/DAR. Quoique bruyants, grossiers et débraillés, ils sont fiers. La profession repose sur la confiance, et aucune transgression de ses principes n’est prise à la légère. Celui qui demande huit dollars pour un livre broché, par exemple, est considéré comme un voleur de grand chemin. Refuser les traditionnels « twenty points » (vingt pour cent de remise) à un collègue bouquiniste est un crime capital. Et Dieu pardonne l’escroc qui organise une bourse aux livres uniquement pour se réserver les meilleures pièces !
Même l’organisation de la file d’attente est anarchiste, dans le meilleur sens du terme. Non seulement les bouquinistes gèrent l’ordre de la queue, mais ils y amènent un minimum de bonne manières. Vous aurez beau avoir réservé votre place depuis longtemps avec un cageot, la revendiquer en arrivant au tout dernier moment est considéré inconvenant. La période de chauffe avant l’ouverture est importante, car elle force amis, ennemis et inconnus à rester côte à côte et à s ’harmoniser.
Les règles peuvent sembler arbitraires, mais leur effet le plus direct est de créer un esprit de courtoisie et de coopération. L’entraide est au cœur de la profession de bouquiniste, pas la compétition, ni l’intérêt personnel – chose naturellement facilitée par le fait que chaque bouquiniste possède une spécialité. Certains ont des boutiques, d’autres vendent en ligne. Certains se spécialisent dans les livres de cuisine, d’autres dans les livres pour enfants, ceux d’histoire ou les éditions originales. À chaque bourse, un troupeau considérable d’imbéciles va vers les manuels techniques et scolaires, mais ce ne sont pas de vrais bouquinistes. Idem pour les hardes de femmes Mennonites qui, autant que possible en habits du seizième siècle, se précipitent au rayon roman à l’eau de rose lors des bourses en Pennsylvanie rurale. Elles laissent chevaux et carrioles garés à l’extérieur. Mais je digresse.
Les bouquinistes ont leurs propres lois, voilà l’important. Toute opinion ou autorité extérieure est ignorée, depuis les commentaires sarcastiques des « civils » jusqu’aux instances bénévoles des bourses aux livres. Au moins, ces derniers tolèrent l’armée d’envahisseurs, car la moitié des bénéfices pour leur bibliothèque municipale seront levés lors de la première heure, grâce à des bouquinistes comme Adam qui achètent en gros. Pas grâce à Adam lui-même, comme nous le verrons, mais à ses semblables. Et chacun d’entre nous est plus semblable à Adam que nous ne voudrions bien l’admettre. Même les snobs locaux.
À chaque regard soupçonneux, Adam répond par un rot et se gratte le derrière, car il connaît bien la vie de l’autre côté du fossé. Autrefois il fut comme eux, en costume et au boulot huit heures par jour – participant à « l’effort de guerre », rien de moins. Une dépression nerveuse vers la quarantaine le transforma en bouquiniste. Ce fut le début de sa longue et industrieuse deuxième vie, le cheminement qui le mena ici. En l’observant, personne ne se douterait de rien. La partie sur la dépression nerveuse, oui, bien sûr. Mais le reste ? "