La librairie vous accueille le lundi de 14h à 19h et du mardi au samedi de 9h30 à 19h.
3 rue de la Paix 53000 Laval - 02 43 53 04 00 - librairiemlire@gmail.com

 

le tour du monde d'un acharné du bonheur

Le Livre de poche

7,10
Conseillé par
16 août 2010

"Le pessimisme est d'humeur ; l'optimisme est de volonté." Alain

Hier au soir, alors que la nuit assombrissante autour de moi assombrissait et ne faisait rien que s’obscurcir, bien calé sous la couette, la lumière tamisée et les paris sportifs aussi, je pénétrais dans le monde de l’optimisme. Laurence Shorter est anglais et a écrit Le secret de l’optimiste, pour montrer toutes les raisons de croire que le pire n’est pas certain. Son livre narre son parcours à travers le monde, et surtout l’Angleterre, ce qui pour beaucoup de britanniques nostalgiques se résume à la même chose, à tenter de convaincre les optimistes de ce monde de témoigner des raisons de leur « croyances positives ». C’est peut-être finalement la clé du bonheur.

Cette quête, Laurence Shorter la conte avec entrain et un brin d’auto-dérision propre aux britanniques et qui les rend à mes yeux éminemment sympathiques, et ce malgré Mers-El-Kébir. L’auteur rencontre un psychologue américain qui considère qu’il faut appliquer à soi-même et quotidiennement les principes d’un nouveau positivisme moderne. Ce scientifique, Martin Selingman, considère comme vraie l’équation suivante : satisfaction de vie = émotion positive + Engagement + Sens. Pour Selingman, les pensées pessimistes, même si elles sont vraies, ne sont pas très utiles. Et de prendre l’exemple d’une personne qui se sent grosse. Ecoute bien, Vanessa. Elle l’est peut-être aux yeux de certains, dit Selingman, mais à d’autres, elle paraîtra normale et séduisante. Le seul fait de se trouver grosse, poursuit-il l’empêchera de sortir et de faire des rencontres.

Pourquoi sommes-nous pessimistes ?

Shorter, dont le livre fait tout de même 400 pages, réfléchit à un cadre théorique à sa quête de l’optimisme. Pour cela, il recherche les causes de ses sentiments positifs et négatifs. Là encore, il trouve un élément de réponse avec le très pertinent Selingman. Au Pléistocène, un temps fort fort fort lointain, avec plein d’ogres verts itou, le fait d’anticiper les événements négatifs, type se faire manger par un tigre aux dents de sable, ou par un mammouth en furie, est plutôt un avantage. Cela permet de survivre plus longtemps dans un environnement hostile. De fait, notre cerveau prévoit plus facilement le pire que le meilleur, et engendre donc plus facilement des pensées négatives. Jusqu’à la prochaine livraison d’anti-dépresseurs.

Les pessimistes seraient alors des personnes qui pensent « l’échec sur un mode très négatif », les remettant en cause personnellement et totalement. Pour combattre cela, Martin Selingman incite les personnes à s’exercer aux trois bénédictions pendant une semaine.

Qu’est-ce que c’est ? Encore une secte ? Non, il y en a assez avec la petite centaine recensée dans notre pays. (J’en profite au passage pour rappeler à l’Ordre Monastique d’Avallon qu’il me doit toujours un paquet d’argent suite aux trois procès pour diffamation qu’ils m’ont intenté, et qu’ils ont perdu, ainsi qu’à Renaud Marhic, suite à une enquête journalistique sur la thématique des sectes dans le Finistère). Les trois bénédictions consistent à noter, le soir avant de s’endormir, ou de prendre ses somnifères, comme de nombreux français, trois choses qui se sont bien passées pour vous dans la journée car « la gratitude est l’une des voies les plus efficaces du bonheur ».

Super. Alors, hier on était le 14 juillet, commémoration de la fête de la Fédération, qui comme l’écrivait Victor Hugo est « une fête universelle. Le 14 juillet, c’est la chute de toutes les Bastille, la fin de tous les esclavages, la fête de toutes les nations ». Je griffonne.

Bénédiction 1. J’ai écouté la Blanche Hermine de Gilles Servat. Pour moi, c’est l’hymne de la Bretagne. Cela me donne autant la chair de poule que la Marseillaise (dans la quelle on peut remplacer fils par fille que l’on vient égorger). Une poussée d’ocytocines assurément. Dans les deux chansons, dont j’ai conscience qu’elles sont, par les paroles en tout cas, opposées, il me semble qu’il y a du sens, celle de se défendre pour sa liberté et de celle de ceux que l’on aime car « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle-même est fait pour servir», écrivait Tocqueville.

Pendant que j’écoutais ses chansons, je nettoyais la cuisine. Ce qui a donné ce dessin de la part de ma fille cadette. On sent dans les expressions du visage, une profonde fougue à manier l’éponge et le torchon, présents dans les mains mais aussi une décontraction naturelle dans l’exercice de ces fonctions. Si on plisse les yeux, et que l’on retient sa respiration 34 minutes, on croit apercevoir le Christ en croix.

Bénédiction 2. Le fabuleux destin d’Amélie Poulain m’a autant ému et réjoui que la première fois que je l’ai regardé, il y a dix ans de cela. Une femme qui distribue le bonheur avec autant de célérité, cela rend optimiste. Mes deux filles ont bien aimé aussi. C’est toujours cela que Disney Channel n’aura pas.

Bénédiction 3. Scène d’avant coucher. Dans le dressing, une dizaine de cravates agonisent sur un portique dédié. On dirait les pendus de Villon. Je ne sais pas faire les nœuds de cravate. Pardon, je ne savais pas faire les nœuds de cravate. Les cravates autour du cou, avec les filles on a bien dû essayer une dizaine de minutes à réinventer le nœud. On en a bien inventé un : le Domenech, cela serre bien le cou mais ne coulisse pas, on appellerait cela une corde qu’un suicidé ne nous démentirait pas.

Bref, pour apprendre il faut aller à la source. Heureusement, il y a une application pour çà. Sauf qu’elle n’est pas dynamique et on ne comprend rien. Direction la vidéo. Voici celle qui nous aura permis d’apprendre, définitivement à faire, un nœud simple.

Alors hier, certes Megan Fox n’était pas cachée ni derrière les rideaux ni dans le kouing amann, alors que pourtant depuis qu’elle a décidé de ne pas tourner dans les Transformers MDCLVVI (ce qui fait , en convertissant le romain en arabe, 1666), elle devrait avoir plus de temps, je pense qu’il y a eu un problème avec la Poste. Un renard qui voit le loup, cela pouvait être sympa pourtant. Je n’ai pas non plus gagné quatre millions d’euros au loto ou misé sur les pronostics de Paulo le Poulpe, Johnny Le Canari et Babar le rhinocéros (là vous vous dites que Babar c’est l’éléphant, un peu de créativité que diable, les rhinocéros ont aussi le droit d’appeler leurs enfants Babar). Le soleil n’est pas venu tanner ma peau. Et pourtant, sans Megan, sans argent et sans soleil, j’ai vécu trois petits-bonheurs, et pour une journée de 24 heures, c’est très satisfaisant. Merci l’optimisme.

Cadeau bonus. Dans le livre de Shorter, on trouve une citation de Gandhi. Ce mec était quand même un génie. La voici : « D’abord, ils vous ignorent, ensuite ils rient de vous, puis ils vous combattent, enfin, vous gagnez ». Ou la leçon de la persévérance.

Conseillé par
16 août 2010

Le voyage de TS Spivet. Extravagant et prodigieux.

Tecumseh Sansonnet Spivet est un jeune garçon d’une dizaine d’années, passionné par le dessin, et notamment ceux des insectes que sa mère collectionne. Il a des carnets de couleurs. Les bleus pour « les schémas des gens en train de faire des choses », les verts pour « les croquis zoologiques, géologiques et topographiques », et enfin les rouges remplis de dessins d’insectes.

Il habite Divide dans le Montana où son père tient une ferme et où sa mère, biologiste, prépare ses expéditions. Il avait un frère, Layton, mort d’un coup de carabine après un jeu dangereux avec arme à feu dans une grande de la ferme. Il a une sœur, Gracie, qui aime bien le superficiel, mais qui est sympa quand même. Sa mère, le Dr Clair, n’aime pas la médiocrité. Pour elle c’est « la moisissure de l’esprit. Nous devons constamment lutter contre elle : elle essaiera de s’insinuer dans tout ce que nous faisons mais nous devons lui résister ». Il aime dessiner des cartes de la solitude en regardant les gens marcher dans la rue et comptabiliser ceux qui marchent seuls avec ou sans appareils dans les oreilles. Il sait quand un enfant devient adulte :

1. On est toujours fatigué
2. On n’a pas hâte que cela soit Noël
3. On a très peur de perdre la mémoire
4. On travaille dur toute la semaine
5. On porte des lunettes de vue autour du cou et on oublie toujours qu’on porte des lunettes de vue autour du cou.
6. On prononce les mots : « Je me rappelle quand tu étais grand comme ça », et on secoue la tête en faisant une UA-1, UA-24, UA-41, qu’on peut traduire grossièrement par : « je suis très triste par ce que je suis déjç vueux et que je ne suis toujours pas heureux ».
7. On paie des impôts et on aime bien s’énerver avec d’autres adultes en se demandant « ce qu’ils peuvent bien faire avec tout le fric qu’on leur file ».
8. On aime boire de l’alcool tous les soirs tout seul devant la télévision
9. On se méfie des enfants et de ce qu’ils peuvent avoir derrière la tête.
10. On ne se réjouit de rien. A2spivet_wideweb__470x342,0

On le constate T.S. Spivet est un enfant hors du commun. Ses croquis sont remarqués par le Smithsonian Institute, qui gère l’ensemble des grands musées du Mall de Washington (NDLA : Si un jour vous allez à Washington D.C., il est impératif de passer par cet endroit. Les musées sont pour la plupart gratuit, gigantesques, passionnants, et en plus il y a des fast-food à l’intérieur). Comme il ne souhaite pas alerter ses parents sur cette récompense, de peur qu’ils ne lui interdisent de se rendre à la remise des prix ou qu’ils alertent l’institut qu’il n’est encore qu’un enfant, il part tout seul pour une grande traversée de l’Amérique dans sa largeur, essentiellement en train. Le livre de Reif Larsen raconte ce voyage initiatique. Agrémenté d’une multitude de croquis, en marge du livre, ainsi que de réflexions secondaires à l’histoire, ce roman somptueux se lit comme un guide de l’enfance particulière de Spivet. Et à la fin, notre jeune héros appartient au club du Mégathérium. Ce qui est vachement super.

Le livre écrit par Reif Larsen, un visionnaire, dispose d’un site internet dédié au livre existe, accessible ici.

Nil Editions. 19,95 euros. En vente chez Dialogues.

Usbek Et Rica

Conseillé par
16 août 2010

Presse. Analyse comparée de XXI et d’Usbek et Rica

Alors que la presse papier traditionnelle, à que quelques exceptions près, n’en finit pas de trouver dans l’information sur Internet le bouc émissaire illusoire à la baisse de ses ventes, deux revues papiers imprimées sur de vrais arbres font le pari qu’il existe un marché économique pour une information de qualité et indépendante. Leurs noms ? XXI et Usbek et Rica.
http://www.mikael-cabon.com/2010/08/04/presse-analyse-comparee-de-xxi-et-dusbek-et-rica/

A lui seul, Vint et un, fondé par Laurent Beccaria et Patrick de Saint-Exupéry, a initié le concept de livres d’actualité et d’enquêtes. Il a été depuis été rejoint par Usbek et Rica et la nouvelle version de Muze, dont je ne traiterai pas ici faute de l’avoir lu.

Les points communs.

Le prix. 15 euros. Soit à raison de quatre numéros par an, 60 euros à l’année.

La qualité du papier. Un peu plus bouffant néanmoins pour XXI.

Une rédaction en partie externalisée. Les deux revues font appel à des rédacteurs extérieurs pour la plupart des enquêtes et articles proposées. Elles diminuent ainsi leurs charges fixes. On est bien loin cependant des fermes d’informations dénoncées ici et là.

La distribution. Tous deux s’appuient sur le réseau des libraires et proposent des abonnements ne proposant ni ristournes, ni montres, ni radio-réveil, ni mini-four micro-ondes, ni accessoires de cuisine, des cadeaux de promotion, qui à l’exception notable des maillots vintage offerts par So Foot, sont le plus souvent inutiles, ou peuvent servir de cadeaux de Noël de substitution.

La présence de la bande-dessinée. Pendant longtemps, la BD a été connotée jeunesse, et c’est le regard honteux, et en sortant leur marchandise sous le manteau de chez le libraire ou le vendeur de journaux, que les adultes s’adonnaient à la lecture de leurs albums. Les deux revues ont bien compris qu’il n’en est plus rien. Les petits gastronomes en culotte courte ont grandi, et les images dessinées peuvent à bien des égards satisfaire soit l’esthétisme soit l’information, voire les deux, comme Joe Sacco, dont Courrier International publie une enquête dessinée sur les migrants à Chypre, en témoigne. Les deux revues utilisent donc la BD pour rompre le ryhme des textes et également affirmer leur identité. Usbek et Rica utilisent les deux personnages signifiés dans son titre pour discourir sur le temps qui passe, quand XXI recourt à l’image pour l’illustration des dossiers ou sous la forme d’un récit graphique présenté à la fin de chaque numéro. Dans le dernier numéro, qui m’a été mis à disposition dans le cadre du Club des lecteurs de la librairie Dialogues à Brest, il s’agit d’un récit de Jean-Philippe Stassen consacré à l’histoire d’Arnold, enfant-soldat au Congo. Et pour ceux qui pensent que la bande-dessinée ne peut donner lieu à de belles histoires littéraires, on lire avec délectation les aventures de Klay et Kavalier, de Michael Chabon.

Les différences.

Le titre. Pouf, pouf.

La pagination. 210 pages chez XXI et 192 chez Usbek et Rica.

Le concept. XXI fait la part belle aux enquêtes d’actualité, laissant de la longueur aux rédacteurs pour développer leurs sujets, ainsi le dernier numéro laisse 38 pages à un dossier intitulé « Les deux Israël », revenant par exemple, sous la plume d’Anne Brunswic, sur l’histoire du médecin qui sourit, Izzeldin Abuelaish, ce gynécologue palestinien dont trois de ses filles ont perdu la vie en janvier 2009 lors de bombardements de l’armée de Tsahal. La revue de Beccaria et Saint-Exupéry veut prendre de la hauteur, explique, met en perspective, raconte des histoires d’hommes et de femmes mais rappelle aussi les enjeux et donne de la cohérence à ce qui ne serait autrement qu’une suite de tranches de vie.

Usbek et Rica a un goût plus prononcé pour le futur. Quand XXi nous raconte le monde comme il est, U&R consacre près de la moitié de son numéro à la façon dont il pourrait être ou dont il aurait pu être. Je m’explique. Par exemple sur la couverture, on peut voir cette dichotomie avec les deux dossiers mis en avant. Le premier évoque 2010, « les dictateurs et la belle vie », et 2050 « tous immortels ». De plus, l’uchronie a la part belle dans ce numéro avec une nouvelle, signée Thierry Keller, le rédacteur en chef de la revue, intitulée « Et si Bobby Kennedy n’avait pas été assassiné » qui raconte l’histoire des Etats-Unis depuis 1968 en quelques pages en utilisant la technique si chère aux anglo-saxons du What if.

Les plus des numéros en cours.

XXI

Prendre XXI en mains, c’est déjà se sentir plus intelligent, tout en musclant ses biceps vu le poids. C’est lourd, c’est costaud, cela sent le travail bien fait. Ensuite tout est une question de confiance entre le titre et ses lecteurs. De prime abord, certaines enquêtes, ou thèmes, peuvent paraître redondants avec ce que l’on peut déjà lire ou regarder par ailleurs, mais l’angle choisi est le plus souvent original que même pour des sujets rebattus cent fois, il y a un intérêt nouveau à lire les papiers. Parmi les petits défauts : la couverture, ou plutôt les couvertures, qui depuis le départ, s’essaient à l’art nouveau, et l’absence quasi-systématique d’humour, ce qui n’empêche pas la tendresse.

Usbek

Du côté d’Usbek & Rica. Arriver après XXI, c’est, pour l’équipe de Jérémy Rifkin, le créateur du titre, s’exposer à la comparaison. Dans les faits, les deux revues sont différentes dans le fond. Avec fraîcheur, U&R montre que l’originalité paie. Et puis rien que pour lire un article sur « Le cul des riches préfère l’épaisseur triple », qui traitre de l’usage du papier toilette à travers le monde avec distance et érudition, cela valait la peine de l’acheter chez son libraire.

Les deux revues sont disponibles à la vente chez Dialogues, pour XXI c’est par ici, pour Usbek&Rica c’est par là.

Sites internet :

XXI.

Usbek & Rica.

Et les suivre sur Twitter : http://twitter.com/usbeketrica

Et sur facebook : Usbek & Rica, XXI(non officiel)

Ils en parlent.

Miscellanées.

Owni.

Télérama.

Conseillé par
22 juin 2010

Un cluedo sans le colonel moutarde dans le cellier avec le chandelier

Plus grande démocratie du monde, par le nombre de citoyens, 1,1 milliard, l’Inde souffre d’une corruption endémique qui permet aux plus riches de passer entre les mailles des filets de la justice. C’est le cas pour Vivek Rai, fils du ministre de l’intérieur de l’état de l’Uttar Pradesh. Arrogant, le jeune homme échappe à chaque fois au procès et au séjour en prison. Jusqu’au jour de son assassinat.

Les lumières de sa villa, où se déroule une fête grandiose en son hommage, s’éteignent. Un coup de feu retentit. Et il gît sans son sang, « mortellement blessé ». Six suspects qui avaient en leur possession une arme sont arrêtés par la police. Mohan Kumar, ancien haut fonctionnaire de l’état, Shabnam Saxena, une illustre actrice de Bollywood, Munna, un membre d’une caste inférieure, un aborigène noir de peau, Larry Page, un américain un peu niais dont le seul point commun avec le fondateur de Google est son patronyme, ainsi que le père de Vivek. Tous sont suspectés du meurtre. Le livre raconte les quelques mois de leur vie qui précédent leur présence à cette soirée et racontent quels auraient pu être leurs mobiles pour tuer Vivek Rai.

Déjà dans son précédent roman, Les fabuleuses aventures d’un Indien malchanceux qui devint milliardaire, mis à l’écran sous le titre de Slumdog Millionaire, Vikas Swarup livrait un livre de confluence où le présent s’expliquait par le passé et son lot de coïncidences. Ici, on se rapproche des dix petits nègres d’Agatha Christie avec une intensité dramatique moins élevée, le mort est tout de même un salaud, mais une ferveur humaine très présente. Au passage, il y raconte l’histoire de l’Inde d’aujourd’hui, un pays métisse, confronté aux questions des oppositions religieuses, des questions de castes, d’influence politique, de métaphysique puissante et idéaliste mais à la fois de cette misère humaine dont se nourrit la corruption et l’inhumanité. Il serait bon que ce diplomate de métier cesse sa carrière toutes affaires cessantes pour se consacrer à l’écriture et livre à ses aficionados leur « dose ».

A noter, cette phrase, page 100 : « J’aurais dû vous l’expliquer depuis longtemps, il a sept pêchés capitaux, Ritaji, dit-il en rougissant légèrement. La Politique sans les Principes, la Fortune sans le Travail, le Savoir sans la Personnalité, les Affaires sans la Moralité, la Science sans l’Humanité, le Culte sans le Sacrifice et la Jouissance sans la Conscience ». Tout pareil.

9,65
Conseillé par
22 juin 2010

Un polar efficace

Bonjour Sean,

A propos des livres traduits, mon premier réflexe est de regarder le titre original dans la langue de l’auteur. On peut parfois être surpris. C’est le cas avec votre livre paru chez Rivages. Savemore, il s’appelle votre livre dans l’édition française. Et en américain, le titre c’est The Clean up. Épargner plus contre Le nettoyage.

Après avoir lu le livre, on peut largement préférer le second au premier. Et pourquoi d’ailleurs choisir un titre en anglais ? Jacques Toubon doit se retourner dans sa tombe. Comment ça, Jacques Toubon n’est pas mort ? Mea culpa Mea maxima culpa.

On reconnaît un bon polar à ce que les pages se tournent les unes après les autres alors que défilent les minutes sur l’horloge murale de la chambre à coucher, la chaise du jardin, le siège de l’autobus, le rebord de la baignoire, rayez la mention inutile. Votre livre prend trois inspirations de 120 pages. Quand on le lit, on s’y agrippe. Cela tient d’ailleurs à l’efficacité du style qu’à l’originalité de l’histoire. Matthew Worth, (Valeur-richesse en anglais) travaille au Savemore, épargner plus donc, en tant que policier affecté par son commissariat pour surveiller les voleurs. En fait c’est une rétrogradation car Matt s’est battu avec un officier supérieur qui sort avec sa femme. Mais ce n’est pas l’intrigue centrale. A la caverne d’Ali Baba, sans les 40 voleurs, Matt peut s'adonner à son activité préférée : regarder Gwen, une jolie caissière, étudiante infirmière à ses heures perdues. Un jour, Gwen tue son copain qui la battait. Pour une fois que c’est pas l’inverse. Matt arrive sur les lieux, découvre le cadavre du petit ami de Gwen et promet de le faire disparaître, d’où le Clean-Up. Sans se douter qu’il se met dans un drôle de pétrin… Le synopsis ne gagnera pas le Booker Prize de l’originalité mais une fois immergé dans le livre, impossible de le lâcher. D’ailleurs, l’objet lui-même entreprend une métamorphose : il se colore de sang, puis laisse passer quelques flocons de neige, sent les vapeurs d’os calcinés, quand on l’ouvre, quelques cris retentissent ainsi que les sons des caisses enregistreuses qui enregistrent.

PS : C’est bien d’avoir contracté avec Rivages poche. C’est l’une des rares maisons d’édition dont les poches sont encore présentables une fois qu’on les a lus.