Rondes et sensuelles tome 2

Extrait

XX Elle
Et donc, bien qu'un peu fatigué après une semaine chargée et l'esprit dans les talons, Robert en bas demande de passer à l'action, l'exige même, avec une énergie débordante. En début de soirée je m'étais assis dans mon canapé mouluré, sans aucune envie. Et puis une suite d'images, un décolleté trop plongeant, un visage gracieux de jeune femme... Tout un contexte. Voilà que la machinerie se met en branle. Robert se redresse, et instantanément, donne des ordres au cerveau flapi, qui devient son esclave. Me voici tout à coup pris d'une envie de conquête, d'amour, de longues étreintes...
La boîte habituelle, la même cacophonie que partout ailleurs, entre musique à deux temps, conciliabules, bruits de verres et mots d'humour lancés par des machos imbus. L'envie de repartir aussitôt, de fuir ce lieu de débauche, de retrouver un lit douillet et de s'y entortiller. Mais Robert maintient la pression... Et mon esprit lui vient en aide. Celui-ci me tient un discours tout simple et très concluant : « Mon ami, faute de faire un gros effort, tu buteras toujours sur le même obstacle, et tu n'arriveras jamais à briser ta solitude. » Moi, je l'écoute, comment faire autrement, c'est moi qui parle à moi. Je me laisse me convaincre. Il faut se battre pour tout dans la vie, surtout pour l'amour, domaine le plus capricieux qui soit... J'essaie donc de me mettre dans l'ambiance, je me compose un sourire radieux.
Rien de bien exaltant dans cette discothèque somme toute quelconque. Des gens absorbés par le rythme. De nombreux visages féminins, mais aucun ne me touche. Où que je pose les yeux, aucune femme qui me convienne et à qui je convienne. Car la condition est double. Il faut que les deux se plaisent, la difficulté est élevée à la puissance deux. Mon œil avisé se promène, il scrute l'assemblée, dans un mélange d'envie et de crainte.
Soudain, j'aperçois un visage élégant, bien qu'un peu rond. Une brunette dans la pénombre, aux grands yeux ténébreux, comme du noir caché dans le noir. Un regard qui héberge une âme sensible, cachée au plus profond d'un corps, espérant qu'un bon cœur la découvre. Un visage de femme mûre, qui doit avoir près de quarante ans. Elle a des traits élégants, bien pleins, comme je les aime. La seule chose à craindre est son côté un peu renfermé. On dirait qu'elle refuse de se montrer. Elle ne danse pas, bouge peu, se cache derrière un grand verre ballon à la couleur jaune vert fluo. Son côté taciturne ferait fuir plus d'un homme, et moi le premier. Quel homme ne redoute les soirées calmes, à devoir chercher des mots ? Qui ne craint les introverties, celles qui s'enfuient un beau matin sans jamais avoir fait la moindre remontrance ? D'un autre côté, si on ne tente pas sa chance... Je tente. Je m'approche à petits pas de sioux. Je m'aventure à quelques paroles...