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L'habit d'or
EAN13
9782296298385
Éditeur
Mokeddem
Date de publication
Langue
français
Fiches UNIMARC
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L'habit d'or

Mokeddem

Livre numérique

  • Aide EAN13 : 9782296298385
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    9.99

  • Aide EAN13 : 9782296298385
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Cherchant un habit d'apparat, l'auteur perd la tête et se dénude Envoyé en
Amazonie péruvienne, l'auteur, un phytochimiste, doit mener un travail de
terrain sur l'usage et l'efficacité des plantes pouvant avoir un effet sur le
système nerveux central. Pour cela, il se fait cobaye. Il absorbe l'ayahuasca.
EXTRAIT Je n'avais jamais bu une chose aussi amère. J'en avais pris une pleine
calebasse, tout autant que Nete Vita et ses deux disciples sinon plus, pour
que l'expérience soit réussie, valable sur le plan scientifique. J'avais
hésité à boire. Le docteur m'avait alors foudroyé du regard. Bois ! Un coup de
coude dans les côtes m'avait décidé à avaler le liquide. Assis à même le
plancher, nous formons un demi-cercle, face à Nete Vita et ses disciples. Au
milieu, le malade, à demi-prostré. La cabane est éclairée par une lampe à
pétrole. Les ombres dansent, et dansent autour d'elles les hémiptères. Je les
vois tourner, se poser sur moi depuis un certain temps, mais je ne sens pas
leurs piqûres. Je me gratte. Je ne sens pas ma peau sous mes doigts. Je me
pince. Rien. Je ne sens pas mes oreilles mais j'entends… un chant aigu de
femme, une voix soprano ; pourtant il n'y a que des hommes dans la cabane. Je
lève les yeux sur Nete Vita. Ses lèvres remuent. Il chante. Une voix de haute-
contre, technique vocale des onanya et des meraya, ceux qui voient et ceux qui
rencontrent, en langue shipibo.Que voit-il, qui rencontre-t-il ? \- Savez-
vous, Docteur, que sous l'effet de l'hallucinogène, Nete Vita voit une autre
réalité, des esprits, les esprits des plantes, me souffle le docteur Ulises.
Ces dessins, ces lignes qui ornent les céramiques et les toiles shipibo que
vous admirez tant, avec l'ayahuasca, Nete Vita les voit sur les corps de ses
patients, comme une deuxième peau. Sur des corps sains elles sont nettes, bien
dessinées. Sur ceux des individus malades, elles sont brouillées, n'obéissent
pas aux lois de la symétrie. Sur la façade de l'Eglise, à droite du porche, se
dresse un Conquistador. Un sarment de vigne grimpe sur les bottes, évite
l'épée, s'entortille autour des cuisses puis des cuirasses, et atteint son
pourpoint. La liane sacrée des Espagnols déploie ses pampres, ses feuilles
s'ouvrent, ses grappes cherchent le visage du saint, elles s'inclinent vers sa
bouche. Il va boire la boisson sacrée, celle qui se transforme en sang, celui
de l'Homme dieu. Le vin s'écoule dans la bouche. Le miracle a lieu. Paysans et
Indiens tombent à genoux aux pieds de l'homme à l'armure dorée, murmurent une
prière, l'implorent. Un coup de fouet claque. Le carrosse d'or de Ferdinand,
vice-roi du Pérou, accompagné de Camilla, sa nouvelle maîtresse, favorite de
la troupe de comédiens arrivée dans cette riche et lointaine colonie espagnole
après un voyage dans les deux océans,arrive de la grande Place d'Armes au
galop de ses quatre chevaux ébouriffés. Face au miracle, les chevaux se
cabrent, effrayés. Ferdinand se jette sur Camilla, la saisit, la retient,
l'étreint, lui évite la chute. L'éclair d'un embrassement. Les écailles d'or
du pourpoint du saint pleuvent sur les mendiants. Les Indiens s'émerveillent,
se signent. La foule accourt de toutes parts. C'est le miracle de la liane
sacrée des Espagnols. Ferdinand, en pourpoint éclatant d'or lui aussi, caresse
de ses yeux sa plus belle conquête. Il lui faisait l'honneur d'une visite de
Lima au grand scandale du haut clergé et de la noblesse espagnole. Le carrosse
est couvert de sculptures baroques où apparaissaient des angelots, leurs
visages bouffis et leurs ailes avortées. Les indiens qui les avaient peints
leur avaient fait des joues roses, des yeux bleus et des chairs très blanches.
Etait-ce pour plaire aux Espagnols, par esprit courtisan, ou par ironie pour
se moquer de leurs maîtres dont la presque absence de mélanine semblait
ridicule et sujet de moqueries à ces gens à la peau mate. C'étaient des
albinos, des fantômes. \- Te mareaste Tonon ? Le curandero me fit sortir de ma
contemplation de cette vision du vice-roi du Pérou, parée d'or, et de sa
Camilla, pour retrouver la demi-obscurité de la cabane. \- Te mareaste Tonon ?
Le goût amer de l'ayahuasca avait disparu. Une petite heure auparavant j'avais
ingurgité ce liquide épais et violemment vomitif qu'il m'avait servi. J'avais
hésité longtemps avant d'absorber l'ayahuasca, par peur de l'inconnu et de
toutes ces visions qui affolent les locaux, métis hispanophones et indigènes
riverains. Visions de serpents ouvrant des bouches armées de crocs venimeux,
de boas géants s'approchant et s'enroulant autour de leurs corps pour les
étouffer. L'amertume de l'ayahuasca s'étant dissipé, je me félicite d'avoir
essayé ce breuvage, il m'offre de belles images, en rien effrayantes.
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