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Conseillé par Eric R. (Libraire)19 juillet 2021
Une performance
42,195 km en deux heures pour le recordman du monde, en trois heures pour des athlètes confirmés, en quatre heures et plus pour les amateurs. C’est long un marathon, c’est le temps libre offert à toutes les pensées, à la vacuité des minutes qui s’égrènent comme à la concentration de l’effort à tenir. Mettre en bande dessinée cet espace temporel si particulier où le même geste est mille fois répétés, avec pour seul horizon cette ligne au sol qui trace le parcours parfait, est une véritable gageure. Nicolas Debon l’a relevé pour le premier ouvrage majeur de sa jeune carrière. Ce n’est pas un des cinq marathons qu’il a parcourus qu’il met en image mais un marathon olympique immortalisé par une photo culte qui illustre toujours les Jeux d’Amsterdam en 1928: un petit homme nord africain avec le dossard 71 pénètre dans le couloir d’un stade. Son short est ample, sur son maillot trône le coq gaulois, son visage est impassible et derrière lui un homme enthousiaste lève haut le bras sur son passage. Le futur vainqueur s’appelle El Ouafi. Français, il est né aux portes du Sahara algérien. Le supporter est Louis Maertens. Ancien coureur devenu journaliste il va raconter cet exploit. C’est de son récit que va s’inspirer l’auteur pour réaliser cette BD étonnante.
Debon adopte un point de vue cinématographique. De nombreuses pages sont muettes comme des plans d’ensemble magnifiques, d’autres avec des pages de huit cases, voire douze, brisent le rythme et accélèrent la course.
C’est une voix « off » qui accompagne les foulée des athlètes permettant de multiplier les points de vue tantôt intime, tantôt historique, tantôt sportif. On devine l’énorme travail de documentation nécessaire pour mener ce récit porté bien entendu par l’origine nord africaine de l’athlète français, manoeuvre aux usines Renault de Boulogne Billancourt.A la fin de l’ouvrage une double page documentaire fournit d’intéressants compléments sur l’évènement et la vie de Boughera El Ouafi, qui se terminera misérablement. On y découvre notamment une photo des quatre participants français avant le départ. Étrangement le futur vainqueur semble un peu à l’écart. Et l’annonce d’un autre français d’Algérie, Alain Mimoun, vainqueur du marathon de Malbourne en 1956. Comme un passage de témoin avant l’indépendance de l’Algérie.
Eric