Les écritures africaines de soi (1950 2010)

On peut identifier une longue pratique autobiographique en Afrique. D’abord l’œuvre de grands penseurs africains— St Augustin, Zera Ya’aqob ou Walda Haywat — et souvent produite en langues africaines, l’écriture de soi a présenté par la  suite un enjeu politique à l’ère coloniale, à l’initiative des ethnographes et administrateurs. Avec le combat anticolonial, apparaît une forme nouvelle : l’écriture de mémoires par de grands acteurs politiques africains, qui accentue la dimension réflexive des écritures africaines de soi. À l’ère postcoloniale, l’autobiographie tend à devenir de plus en plus intellectuelle, oscillant entre l’essai autobiographique et l’auto-analyse. À partir d’un corpus majoritairement francophone et anglophone, composé d’auteurs aussi divers que Wole Soyinka, Kwame Anthony Appiah, Joseph Emmanuel Nana Appiah, William E. B. Du Bois, Léopold-Sédar Senghor, Lamine Gueye, Amadou Hampâté Bâ, Valentin Yves Mudimbe, Achille Mbembe, Célestin Monga, Barack Obama, Paulin Hountondji ou Rasna Warah,  notre thèse retrace les mutations des écritures africaines de soi, de l’ère coloniale à l’époque postcoloniale, en insistant au passage sur  les formes de dialogue qui s’établissent entre ceux-ci et les penseurs africanistes français, pour lesquels l’autobiographie fut bien plus qu’un récit de vie. Il s’agit d’examiner à la lumière des positionnements esthétiques, politiques et littéraires des écrivains et penseurs africains dans les champs littéraires africains et occidentaux la notion de posture, les postures à l’œuvre dans leurs productions. La notion de posture, empruntée à Jérôme Meizoz et centrée sur la production de soi, complète la démarche de l’auto-analyse proposée par Pierre Bourdieu. Nous mettons également en relief diverses modalités de l’auto-réflexivité en confrontant les écritures africaines de soi avec certaines autobiographies intellectuelles de penseurs et écrivains afro-américains.