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Je m'acharne
EAN13
9782953463811
Éditeur
JePublie
Date de publication
Langue
français
Fiches UNIMARC
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Je m'acharne

JePublie

Livre numérique

  • Aide EAN13 : 9782953463811
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**Extrait court**

    Comme le lapin blanc, je cours car je suis en retard. Aujourd’hui, je
cours chez mon psychanalyste. Une femme que je qualifierais volontiers de
remarquable si, toutefois, elle voulait bien consentir à me faire aller mieux.
Cette pensée, du reste, me frappe comme un arrêt de mort. Pourquoi courir ?
C’est absurde. Puisque je suis en retard, autant le faire savoir. Je ralentis
donc le pas et reprends mon souffle. Puis il me prend l’irrépressible besoin
d’entrer dans un bar pour y boire un café noir. Cette pause m’apaise. J’en
profite pour m’interroger sur la nécessité de poursuivre cette analyse dont
les séances hebdomadaires semblent confinées dans un dialogue vain, courtois
certes, mais, dans le fond, dépourvu d’intérêt thérapeutique.
    Commencée quelques mois après le décès de ma première femme, aujourd’hui,
après bientôt dix années d’un deuil interminable, il me faudrait cesser cette
analyse. Mais je n’y parviens pas. Je me suis plutôt attaché à cette agréable
routine. Il m’est en effet toujours réconfortant de penser qu’une personne
soit présente en ce monde dans le but de m’entendre débiter mes salades. Comme
un arrangeur d’émotions faisant office de patine sur mon existence
dégingandée.
    Je décide finalement de me rendre à mon rendez-vous. Je déboule donc
fièrement dans le cabinet de mon psy avec une heure entière de retard. Mais
celui-ci passe inaperçu. J’aurais dû m’y attendre ; le doc ayant, de son côté,
cumulé son propre retard et un nombre astronomique de patients. Je soupire en
contemplant les visages singulièrement défaits de mes compagnons d’infortune,
ratatinés de soucis diversement pathologiques, dans la salle d’attente de la
dernière chance de me faire soigner pour de bon… Quoique j’aie, quoique le doc
me dise, après ça, je change de vie. Oh, je connais la chanson et reconnais
même certaines de ces âmes en peine. Elles ont beau baisser la tête et cacher
leur regard derrière des revues qui font passer leurs moments d’angoisse en
des instants de communication forcée avec le monde qui fabrique les jambes
lourdes, moi, je sais : elles viennent ici s’épancher auprès du doc depuis des
décennies. Elle est quand même incroyable, cette persistance de la maladie
chez l’homo sapiens. Et, au final, je passe en dernier. Je détecte bien là
toute la putasserie de la vie ordinaire et contraignante. Maman, tu avais bu
de nombreuses potions destinées à me ruiner, avant même les premières lueurs
de mon existence, alors que je n’étais qu’un pauvre bloc foetal gavé de plasma
et de valium. Mais je me suis accroché à tes entrailles, happé par le désir de
vivre. C’est dans mon caractère. Je m’acharne.
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